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Brice Mbika Ndjambou : « La professionnalisation ne se décrète pas »





Le vice-président de la Ligue nationale de football gabonaise (LINAF) dévoile les mécanismes qui favorisent la mise sur pied du championnat professionnel de football du Gabon et salue le rôle de l’Etat de son pays qui la rend possible, en octroyant une subvention à hauteur de plus de dix milliard de francs à la LINAF de 2012 à 2017, avec à la clé une législation favorable aux mécènes. Notre interlocuteur qui scrute l’actualité de la Ligue de football professionnelle du Cameroun énumère également quelques stratégies qui contribuent à rendre viable et attrayant le championnat de football gabonais, et le retour au bercail des anciens professionnels. Il a conclu en exprimant la déception du peuple gabonais envers la CAF, qui a reprogrammé le match Cameroun – Gabon, perdu par les Panthères B zéro but contre un dimanche 28 juillet à Yaoundé. Pourtant la confédération africaine de football avait donné le Gabon vainqueur quelques jours plus tôt. Entretien…

Mr Mbika, qu’est ce qui vous amène au Cameroun ?

Je vous remercie. Je suis au Cameroun d’abord pour des vacances. J’ai également reçu mandat du président de la Ligue nationale de football du Gabon pour voir dans quelle mesure nous pourrions avoir des échanges avec la Ligue sœur du Cameroun et un certain nombre de partenaire qui pourrait nous accompagner pour la consolidation de notre Ligue, qui a été mise en place l’année dernière (2012 – 2013).

Vous parlez de la Ligue de football professionnelle du Cameroun (LFPC), suivez-vous les activités de cette Ligue ?

Oui, bien évidemment nous regardons les activités qui s’y déroulent. Il est vrai qu’il y a un certain nombre de problèmes. Nous sommes d’autant intéressés, étant donné que nous sommes des voisins et le championnat professionnel du Cameroun a été mis en place une année avant le nôtre (2011 – 2012 ndlr). Nous suivons attentivement ce qui ce déroule au Cameroun et nous souhaitons faire des échanges entre nos Ligues.

Si on vous demande de faire une comparaison entre les Ligues de football du Cameroun et du Gabon, que diriez-vous ?

Je ne vais pas dire que je maitrise le fond de la Ligue camerounaise de football, car nous n’avions jamais directement échangé et j’espère le faire avant mon retour au Gabon. Je sais néanmoins qu’il y a une légère différence. Au niveau du Gabon, le projet de professionnalisation est appuyé par un cabinet de consultants internationaux, notamment le cabinet Che Vario y associados de Barcelone et une très forte implication de l’Etat, qui octroie un financement à 100% pour la première année et une implication sur cinq ans de manière dégressive. Au Cameroun je ne maitrise pas exactement comment les choses fonctionnent, mais je puis vous dire qu’au Gabon nous avons la chance d’avoir le soutien total de l’Etat et des experts internationaux qui nous ont permis de nous mettre très tôt au devant de la scène.

Sur quoi se porte l’appui du gouvernement gabonais à votre Ligue ?

L’Etat gabonais nous accompagnera sur cinq années et ceci s’effectue par des financements. Les fonds alloués permettent à la Ligue d’organiser des matchs de façon professionnelle, aux clubs de se structurer de manière professionnelle et aux amis consultants de résider sur le territoire national pendant les cinq années imparties à l’implémentation de la professionnalisation de notre championnat. Vous savez, un championnat professionnel ne se décrète pas. Pour le début, l’Etat a mis à notre possession des infrastructures, des moyens financiers et encadre tout ceci par une législation et une réglementation qui nous permettront à terme de nous autofinancer. Vous savez que la participation de l’Etat n’est que ponctuel. Le financement d’un championnat professionnel provient d’un certain nombre de ressources parfaitement identifiés que sont : les droits de télévision, le sponsoring et la billetterie. L’Etat a le devoir de nous dégager l’horizon par des lois d’exonération, afin de permettre aux entreprises de soutenir sans problème les activités du football.

A combien s’élève l’appui de l’Etat gabonais à la Ligue nationale de football ?

Généralement, les questions de chiffres sont assez sensibles, mais au regard des débats qui se passent chez nous, ce n’est plus qu’un secret de polichinelle. Je ne vous donnerai pas le montant exact, mais considérez que pour la première année l’Etat s’implique pour un financement à plus de dix milliard de francs Cfa.

Plus de dix milliard de franc, ceci signifie que l’Etat a complètement la main mise sur votre championnat ?

La main mise ? Non ! Au Gabon avant la mise en place du championnat professionnel, l’Etat apportait à chaque club une subvention de cinquante million par année et cette subvention régulière se payait en deux tranches : vingt cinq millions à la phase aller et les vingt cinq autres à la phase retour, les choses étaient ainsi faites de manière pérenne. Aujourd’hui, la subvention de l’Etat est ponctuelle. L’Etat a décidé de soutenir la Ligue et les clubs professionnels, afin qu’au terme de cinq ans, son financement revient à zéro franc et que les mécanismes se mettent en place, afin que nous créions une véritable industrie du football. L’Etat a pris ses responsabilités et ce n’est pas une mauvaise chose. Nous louons l’initiative du chef de l’Etat qui s’est impliqué sur ce dossier à fin de permettre à la jeunesse gabonaise de jouir d’un tel championnat. Il s’agit ici pour l’Etat de créer un secteur d’activité, le secteur du football, générer les emplois et faire en sorte que le football puisse s’autofinancer. L’Etat investit certes, mais ne s’implique nullement dans les activités de la LINAF, ni des clubs. L’Etat exige tout simplement que l’argent mis à la disposition de la LINAF soit utilisé à bon escient. C’est pour ceci qu’un mécanisme de contrôle est mis sur pied afin que les clubs et la LINAF justifient l’utilisation des ressources qui leur est allouée. Les choses seront ainsi jusqu’à ce que l’Etat cesse de financer.

Quelles sont les missions que la LINAF remplie au quotidien la LINAF ?

L’unique mission de la Ligue nationale professionnelle du Gabon est l’organisation du championnat national professionnel de première et deuxième division. Les autres domaines qui relèvent de la formation des joueurs, entraineurs, officiels… relèvent du ressort de la Fédération gabonaise de football. La LINAF organise le championnat, encadre les clubs afin qu’ils se professionnalisent. Aujourd’hui avec l’industrie du football qui se met en place, la LINAF aura pour mission de créer les emplois. Je puis vous dire que pour la première année, nous avons créé une cinquantaine d’emplois permanents et plusieurs centaines d’emplois partiels. Vous vous imaginez bien que pour l’organisation du champion, nous avions besoin des stadiés, des volontaires, d’une équipe médicale, de prestataires et plusieurs autres compétences…

Comment sont structurés les clubs de football au Gabon ?

Avec la venue du football professionnel les choses évoluent différemment. Il y a un cahier de charge que les clubs sont obligés de respecter et plusieurs conditions y figurent : l’obligation d’avoir toutes les catégories dans les équipes : minimes, cadets, juniors, deuxième division. Avec la mise sur pied de la deuxième division la saison prochaine, il on intègrera la troisième division. Nous exigeons certaines conditions, au rang desquelles une administration. Nous avons eu la chance que pratiquement tous les clubs fussent érigés en associations, avec tout ce que ceci implique comme base juridique. Il s’agit maintenant de renforcer ces clubs dans leur gestion quotidienne. Les clubs sont contraints d’avoir un certain nombre de départements. Il faut avoir un département comptable, tenu par un comptable et un trésorier, un département de communication et marketing, puisse que les clubs doivent pouvoir engranger des sponsors. Pour ce faire, il faut qu’ils soient dotés de spécialistes du domaine. Il faut également une administration permanente qui travaille au quotidien pour le club. Sur le plan structurel les clubs ont l’obligation d’avoir un terrain d’entrainement et un autre pour les compétitions. Dommage que ce soit encore la Ligue qui gère les terrains de compétitions, mais les clubs ont des terrains d’entrainements. Les choses sont entrains de se mettre en place et nous pensons que d’ici cinq ans tout se fera. Car la professionnalisation ne se décrète pas. Il est question qu’en 2017 nous fassions le point et que nous nous posions la question suivante : les clubs ont-il véritablement acquis le statut professionnel ? Les footballeurs sont-ils véritablement professionnels et est-ce que la Ligue organise le championnat de manière professionnelle ? En attendant, nous sommes dans un chantier et il faudra qu’en 2017 le championnat gabonais soit professionnel dans tous ses aspects.

Comment avez-vous réussi à faire retourner dans votre championnat d’anciens internationaux tel que Daniel Cousin les autres…

Nous leur avons garanti la professionnalisation du championnat. Vous êtes sans ignorer que nous avions institué chez nous un SMIC.

A combien s’élève ce SMIC ?

Quatre cent mille francs par mois. Pour l’instant, c’est l’Etat qui paie directement. A partir de 2017, il sera payé par un certain nombre de mécanisme de financement propre qui seront mis en place, mais c’est quatre cent mille francs minimum par joueurs. Voici la première chose, la deuxième chose est que ces quatre cent milles étant garantis par l’Etat s’échelonnent sur douze mois. Dans ces conditions, avec l’organisation professionnelle, l’appui de nos amis consultants et le sérieux que nous mettons en place a poussé ces joueurs à rentrer au pays, plutôt que d’airer en Europe ou ailleurs en attendant de signer un contrat. Dans le championnat, il y a des clubs bien organisés qui vont au-delà du minimum garanti par l’Etat et la LINAF. Ces joueurs se sentant parfaitement en sécurité ont préféré de retourner au pays.

La Fédération gabonaise de football tout comme celle du Cameroun sont sous administration d’un comité de normalisation, à la seule différence qu’au Cameroun le comité de normalisation a installé un comité provisoire de gestion à la Ligue camerounaise de football. Comment appréciez-vous cette mesure?

Je viens juste d’arriver et c’est dans mes échanges que j’ai appris cette information. Le président du comité de normalisation officie comme président de la Fédération gabonaise. Nous n’avons pas mis un comité provisoire de gestion, mais nous avons une structure chargée de scruter les textes de la Fédération. La LINAF ne souffre d’aucune contestation. Il n’y a absolument aucun souci dans notre fonctionnement, ni dans nos textes. Le président de la LINAF conformément aux textes est vice-président de la Ligue gabonaise de football. Le président actuel de la LINAF est élu pour quatre ans et il est à sa deuxième année, son mandat prend fin en 2015. Il n’y a aucun problème à ce niveau. Le comité de normalisation a une mission précise, qui est de revoir les textes de la Fédération, parce que nous avions de gros problèmes à ce niveau et de revoir notre collège électoral qui a causé de gros problèmes enfin d’élire le nouveau président de la Fégafoot. Au niveau de la LINAF, il n’y a aucun problème, le mandat est de quatre ans. Cependant, le comité de normalisation s’appuie sur la LINAF pour bien mener le travail qui le sien.

Les Panthères B ont perdu au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé devant les Lions A’ du Cameroun en match comptant pour le dernier tour des éliminatoires du chan, quel est votre sentiment ?

Mon sentiment est le sentiment actuel de tous les gabonais. C’est un sentiment d’injustice, je ne vous le cache pas. Vous êtes sans ignorer toutes les péripéties qu’il y a eu autour de ce match. Nous avons pensé que nous étions déjà qualifiés pour l’Afrique du Sud. C’est dommage que la CAF après nous avoir officiellement informés que nous étions qualifiés ait faite rejouer ce match. En toute honnêteté, mon sentiment est un sentiment d’injustice, mais nous sommes dans le football. Le football étant le Fair-play, nous sommes obligés d’accepter des décisions quand bien même nous les contestons. Je pense que le meilleur à gagner sur le terrain et je prie pour qu’au match retour le Gabon se qualifie, pour que notre sentiment d’injustice d’aujourd’hui soit corrigé et que la justice de Dieu soit rendue au terme du match retour.

A vous écouter, vous en voulez un tout petit peu à la CAF ?

Vous savez la CAF est l’instance qui dirige. Je suis un administrateur et il y a ce qu’on appelle l’obligation d’obéissance hiérarchique. En vouloir à la CAF ne règlera pas le problème, mais le Gabon se trouve lésé dans cette affaire pour plusieurs choses… Nous avons sollicité un report du match qui a été refusé par la CAF. Je puis vous dire que notre équipe a été démobilisée, après que nous ayons appris que nous étions qualifiés. Notre championnat a pris fin le 26 juin, les gars étaient en vacances et l’équipe a été montée en 48h. Nous avons supplié pour qu’on ne nous fasse pas jouer samedi, parce qu’on avait vraiment envie de nous mobiliser et la CAF a décidé autrement et nous ne pouvions rien faire d’autre que de jouer. Je prie tout simplement pour que nous nous qualifiions au match retour.

En tant qu’administrateur, vous acceptez sans apprécier la décision ?

Non, je n’apprécie pas la décision, puisse qu’au-delà de la reprogrammation du match, la CAF aurait pu accepter le report. Déjà, nous ne comprenions pas la reprogrammation. Nous ne comprenons pas comment on peut reprogrammer un match dans la mesure où au moment de jouer, le Cameroun était suspendu et avant même que la suspension ne soit levée, le match était déjà reprogrammé. A supposer que la suspension n’était pas levée, vous savez que les textes sont clairs, aucune Fédération n’a le droit d’entretenir une relation avec une Fédération suspendue. (Rire) A supposer que la FIFA n’avait pas levée la suspension du Cameroun, comment la CAF allait faire alors que le match était déjà reprogrammé ? Vous comprenez bien que nous nous interrogeons sur ce qui a bien pu motiver la CAF à reprogrammer le match, ceci avant même que la suspension ne soit levée. Il est vrai que la CAF nous a expliqué que ça ne dépendait pas d’elle, mais du comité d’organisation du chan etc. Nous avons accepté avec beaucoup de Fair-play, mais on n’aurait voulu que le match soit reporté pour nous permettre de mieux nous organiser. Avant la confrontation d’aujourd’hui, quand on préparait nos matchs les joueurs étaient en regroupement, les choses se passaient normalement, tout le monde était en regroupement et toutes les conditions étaient réunies pour que l’équipe soit performante. Par contre pour le match d’aujourd’hui (28 juillet ndlr) je vous assure qu’il ya de cela trois jours, on appelait encore les joueurs au téléphone. C’est dramatique!

Entretien Mené par Noumi

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